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Photo du rédacteurPierre Madden

Comment mes efforts pour changer le discours sur le Revenu de Base au Canada ont échoué


Au cours des trois dernières années, mon objectif premier a été de pousser le Parti Libéral du Canada à inclure le Revenu de Base Inconditionnel (RBI) dans sa plateforme électorale. (Le Parti soutient déjà cette politique dans son programme officiel.) L'élection a eu lieu le lundi 21 octobre et le Revenu de Base n'a jamais été mentionné. Mon but ultime est de voir le RBI mis en œuvre de mon vivant.


J'ai fini par me battre sur deux fronts et par perdre aux deux.


Le premier front a consisté en mes efforts de lobbying au sein du Parti Libéral. J'espérais pouvoir persuader celui-ci de prendre l'engagement de mettre en œuvre le RBI s'il obtenait un deuxième mandat. Quand j'ai hésité un peu et que j'ai omis de contacter le type qui écrivait la plateforme électorale, mon projet venait de tomber à l'eau. De plus, plusieurs semaines après le début de la campagne électorale de six semaines, j'ai changé de stratégie ! Le 19 septembre, un rapport indépendant d'UBIWorks a été publié. Il a présenté la thèse que l'Allocation canadienne pour enfants était un RBI. J'ai cessé de présenter le Revenu de Base comme une politique expérimentale à mettre à l'essai et j'ai plutôt soutenu qu'il s'agissait d'un fait accompli au Canada, "caché bien en vue." Mes efforts pour amener la presse à poser des questions et pour stimuler le débat parmi les candidats libéraux n'ont abouti à rien.


Malgré des contacts de haut niveau au sein du Parti, j'avais l'impression que mon message ne parvenait pas aux bonnes personnes. Avec le recul, il est également possible que ma suggestion ait été clairement entendue et que de faire appel à leurs intérêts électoraux plutôt qu'à leur conscience soit en effet l'approche à privilégier. Après tout, pendant que j'insistais sur l'impact économique de l'Allocation pour enfants sur la croissance du PIB, la création d'emplois, les bénéfices des entreprises et les recettes fiscales, la plateforme parlait sans cesse de réduire la pauvreté, un sujet auquel les gens préfèrent ne pas penser car ils le trouvent déprimant et se sentent coupables. Peut-être que les stratèges libéraux, qui misaient leur réputation sur le succès de leur message, ont tout simplement rejeté ma proposition comme ne pouvant pas les aider à gagner, à ce stade de la campagne. Est-ce une erreur qui explique en partie pourquoi les libéraux ont perdu leur majorité à la Chambre des communes ? Ce serait prétentieux de ma part de le suggérer.


Par contre, le fiasco d'aujourd'hui pourrait encore porter ses fruits lors du prochain cycle électoral dans 4 ans. Voilà ce que les esprits raisonnables essayaient de me faire comprendre dès le début.


Pendant toute cette histoire, un deuxième front s'ouvrait du côté de mes alliés dans la communauté du Revenu de Base. Pour étayer ma position selon laquelle le RBI existait déjà au Canada sous un autre nom, j'ai essayé de convaincre les gens célèbres du mouvement de prêter leur crédibilité à cet argument. J'ai été sidéré par la résistance forte et presque universelle que j'ai rencontrée : non, on ne saurait qualifier l'Allocation canadienne pour enfants de Revenu de Base, un point c'est tout.


Alors que deux ou trois personnes se sont immédiatement ralliées au projet, la plupart des experts ont insisté sur le fait que ce que j'avançais n'était pas conforme à la définition du Revenu de Base établie par le Basic Income Earth Network (BIEN) pour toutes sortes de raisons. Les théoriciens, les expérimentalistes aussi bien que les militants ont refusé catégoriquement d'accepter mon plan pour profiter de cette occasion unique pour faire changer le discours sur le RBI. J'ai pensé : "Je suis pris dans un changement de paradigme, comme il arrive !"


Certains ont fait valoir que l'Allocation pour enfants n'était pas universelle parce qu'elle n'était destinée qu'aux enfants. Le Dividende de Liberté d'Andrew Yang, qui exclut les mineurs, est quand même considéré comme un RBI. D'autres ont prétendu que l'Allocation canadienne pours enfants ne respectait pas le principe de l'individualité parce qu'elle était versée aux familles, comme si cela faisait du sens de donner 500 $ à un bambin. Toutefois, la plupart se sont opposés à cette mesure au motif que les Allocations pour enfants sont assujetties à une condition de ressources. C'était le point de rupture où ce que je tentais de faire s'est tout simplement effondré. Je n'ai jamais vu le coup venir.


L'Allocation canadienne pour enfants n'est pas sous condition de ressources, les exclusions sont fondées sur le revenu imposable. Les non-Canadiens sont daltoniens à l'égard de cette distinction. L'évaluation du revenu imposable ne fait tout simplement pas partie de leur paradigme. L'évaluation des ressources (means-testing) est un outil politique pernicieux qui permet aux bureaucrates de priver arbitrairement des personnes vulnérables de fonds et de services dont elles ont besoin et qu'elles ont le droit de recevoir. Elle les écrase et en fait un exemple pour terroriser tout le monde. Le contrôle du revenu (imposable) est complètement different.


Au Canada, nous avons un régime fiscal progressif comme celui qu'Adam Smith a lui-même proposé : "Il n'est pas déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses publiques, non seulement en proportion de leurs revenus, mais plus que dans cette proportion." C'est pourquoi personne ne remet en question la pratique qui consiste à prélever de l'impôt sur les riches équivalent à l'Allocation pour enfants dont ils ne tirent aucun avantage important et ainsi récupérer une partie du coût d'un programme, qui est extrêmement utile pour tous les autres. Les objecteurs de conscience qui s'opposent à l'examen des ressources insisteront sur le fait que, même lorsque cette récupération est effectuée spécifiquement dans le but de récupérer le RBI, elle n'enfreint pas le principe d'universalité parce qu'elle est effectuée dans des opérations distinctes, la main droite ne sachant pas ce que la main gauche fait.


Au Canada, nous avons tendance à considérer cela comme une fiction élaborée et inutile. Camoufler le mécanisme ne fait pas grand-chose pour cacher le processus qui n'a d'autre but que de récupérer le RBI chez les riches.


Dans la FAQ sur la définition BIEN du Revenu de Base, nous pouvons lire sous la rubrique "Le Revenu de Base est-il payé quel que soit le revenu du bénéficiaire?"


  • "Les 'ressources' imposables pourraient devoir être imposées à un taux moyen plus élevé afin de financer le Revenu de Base. Mais le système d'imposition et d'indemnisation ne repose plus sur une dichotomie entre deux notions de "ressources:" une pour les pauvres, par rapport à laquelle les prestations sont réduites, et une pour les mieux nantis, par rapport à laquelle on perçoit un impôt sur le revenu."


La deuxième notion est utilisée universellement pour évaluer l'Allocation canadienne pour enfants, et c'est pourquoi nous utilisons le terme "assujetti au revenu (imposable)" (income -testing) et non aux ressources (means-testing). Mon argument n'a pas réussi à convaincre. Comment est-il possible, d'une part, de distinguer clairement les deux notions et, d'autre part, d'insister encore sur l'utilisation du même terme pour les décrire ?


Je pense que nous sommes confrontés à deux paradigmes concurrents incommensurables, tant dans la sphère politique que dans le domaine académique. Les vieux paradigmes ont accumulé une épaisse croûte de problèmes non résolus, de sorte que le statu quo ne peut plus fonctionner sans heurts. En politique, la réduction de la pauvreté continue de dominer les discussions sur la politique sociale, même si elle n'apporte plus de solutions utiles. Dans la communauté académique du RBI, une définition rigide freine les progrès vers la mise en œuvre du Revenu de Base, en garantissant que le modèle idéal reste irréalisable. Je compléterai cet argument à une date ultérieure.


Je n'ai pas perdu espoir que les politiciens finiront par apprendre à présenter le RBI comme un puissant stimulant économique et un droit acquis pour tous les Canadiens, en particulier la classe moyenne. Les académiciens aussi, à un moment donné, relâcheront leur emprise sur l'orthodoxie et accepteront un rôle de leader dans la promotion de la justice sociale, dans les tranchées.


Cependant, je ne voudrais pas finir comme Moïse, qui n'a jamais atteint la terre promise, et qui a passé 40 ans dans le désert à tourné en rond. Je n'ai pas tout ce temps devant moi. Je me ferai rapidement de nouveaux amis dans le parti qui détient la balance du pouvoir et j'exploiterai ces liens pour atteindre mon objectif de voir le Revenu de Base Inconditionnel instauré pour tous, de mon vivant.


Pierre Madden ​WhatsApp/Cell: +1 514 238-0044


[Cet article est également publié sur le site Web du BIEN].

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